Journées du Patrimoine / Le Musée des moulages dermatologiques

Publié le par Fab

Billet culturel à déconseiller fortement aux :

- âmes sensibles,
- personnes de moins de 12 ans (en fait, y'en a pas. Si ? File te coucher bandit !),
- hypocondriaques,
- femmes enceintes,
- chochotes de toute espèce.

Ceci étant, je vous connais, la curiosité, tsss, tsss, la curiosité....


Les journées du Patrimoine offrent à ceux que les ors de la République laissent indifférents (la queue cette année pour l'Élysée... 3h d'attente je crois, enfin comme d'hab) l'occasion de découvrir des trucs assez inédits.

Que cela soit un bâtiment industriel ou un château médiéval.


Cette année, je suis retourné, avec un APN cette fois-ci, voir un truc qui n'ouvre ses portes au public que de  manière exceptionnelle (la première fois de son histoire c'était en 1993, j'yétais, la deuxième en 2005, que j'ai ratée).


J'ai eu vent de son existence, de manière très indirecte, dès ma prime enfance en vérité, quand je feuilletais, pour jouer à "fais-moi-peur", les pages du Larousse Médical de la Grand-mère.


 ( )

 Livre m'ayant tellement marqué, non, sérieux, les photos des gueules cassées de 1918 ou de lépreux en phase ultime, à 8 ans et demi, brrrrr... qu'il est à présent dans ma bibliothèque, une des rares choses que j'ai revendiquée quand Agnès est morte.

Fin de ( )


 

Pour les Alzheimer ou les jeunes, les planches couleurs, ça donnait ceci :



Scan perso - Larousse Médical -  Éd. 1922


 Ce lieu abrite la plus vaste collection au monde dans ce domaine.

Plus de 4 000 pièces répertoriées...


Il y règne une atmosphère que je situerais entre l'univers de la BD Adèle Blanc-Sec du génial Tardi, le pavillon de paléontologie du Jardin des plantes et le film Elephant man.


Pour les oublieux :

2 en 1  : le pavillon paléontologie vu par Tardi (rien n'a bougé, je vous assure)















                                                                                       Un des moments les plus durs du film, on était deux à  pleurer.


Peut être parce que faute de crédits, le lieu est resté dans son "jus" et qu'il y règne cette ambiance si typique des musées à vocation pédagogique de la III ème république .

Vous savez, moins de douze visiteurs à la journée, le gardien qui roupille sur son tabouret, le parquet vernis qui craque sous vos pas, les kilomètres de collections sous vitrine, les étiquettes jaunies calligraphiées à la plume sous chaque pièce, l'odeur de poussière chaude et de cire...

Mais aussi parce que la moindre pièce de cette collection  me fait penser à la souffrance qu'a endurée chaque malade, dans son corps et dans le regard des autres, un peu comme Joseph Merrick.


Dire que le plupart de ces pathologies se traitent aujourd'hui en 8 jours pour moins de 15 € ...


 

J'arrête ici le teasing, je vous présente le  Musée des moulages dermatologiques de l'Hôpital Saint-Louis.

Un grand merci au passage au personnel pour son accueil chaleureux, sa patience à répondre à toutes mes questions et surtout pour avoir bien voulu tolérer que je fasse quelques clichés à condition que le gros vigile congolais en patrouille avec son talkie-walkie grésillant ne me voie pas faire.

Vous pardonnerez enfin la piètre qualité des clichés, mais à ISO 400, sans flash ni filtre polarisant et tout en évitant de se faire choper, pas facile.


Un peu d'histoire, tout d'abord.

Quelques extraits de la plaquette qui m'a été remise lors de la visite.


Le  musée des moulages de l’Hôpital Saint-Louis, occupe une place essentielle dans l’histoire de la dermatologie, qui, en France, prit naissance dans cet hôpital.

C’est à Alphonse Devergie, médecin de l’hôpital Saint-Louis, que revient le mérite d’avoir eu l’idée de créer un musée des maladies de la peau, donnant ainsi aux étudiants un outil de travail privilégié pour l’apprentissage de la dermatologie.

Cependant, la véritable impulsion est donnée à la collection par l’arrivée à Saint-Louis de Jules Baretta, artiste mouleur découvert par Charles Lailler, médecin de l’hôpital Saint-Louis.
Charles Lailler a en effet eu l’idée de faire reproduire les maladies de la peau, à l’aide de moulages en cire qui donnent une représentation en relief de ces maladies, donc plus fidèles et, pour les étudiants, plus utiles que les aquarelles, les gravures ou les dessins.


C’est en cherchant un artiste capable de faire ce travail que Charles Lailler découvre, peut-être par hasard, Jules Baretta, alors fabricant de fruits en carton-pâte dans une échoppe du passage Jouffroy.

Séduit par la qualité du travail de Baretta, Lailler lui propose de venir à l’Hôpital Saint-Louis prendre en charge la céroplastie des maladies de la peau, Baretta réalise son premier moulage, encore aujourd’hui visible, en 1867.
A partir de cette date, la collection s’enrichit rapidement: les médecins de l’hôpital Saint-Louis et d’autres hôpitaux français et étrangers commandent à Baretta de plus en plus de moulages de maladie de la peau.

Les moulages de Baretta et de ses successeurs, réalisés à la demande des médecins, ont été régulièrement utilisés jusque dans les années 60, pour l’enseignement de la dermatologie, en offrant aux étudiants une véritable imitation de la réalité.
La collection des moulages du musée de l’Hôpital Saint-Louis, parfois appelé Musée Baretta, est aujourd’hui, avec plus de 4 000 pièces, la plus importante du monde (le dernier moulage a été réalisé en 1958).

Si ces moulages ne font plus partie aujourd’hui des supports d’enseignement de la dermatologie (la photographie les a remplacés), ils restent un élément déterminant du patrimoine de l’histoire de la dermatologie, de l’histoire de la médecine et de l’histoire de la représentation de l’homme malade, mais aussi un patrimoine de l’histoire de l’art à préserver.

La valeur patrimoniale du musée de l’Hôpital Saint-Louis a été l’objet d’une reconnaissance officielle, lorsqu’en juillet 1992, les moulages et les vitrines qui les contiennent ont été classés à l’inventaire des monuments historiques.


 

Croyez-le ou non, mais la technique (moulage avec pigmentation de la cire) est perdue à ce jour, nul ne saurait faire pareille chose aujourd'hui.

Baretta, à l'instar des peintres italiens ne transmettait son savoir qu'oralement, son dernier disciple est mort avec son secret.

 Paraît-il, même les mouleurs du Musée Grévin ne pourraient parvenir à une telle qualité de reproduction du réel.


Je sais , il y a le latex ou le numérique maintenant.


 

Petit visite guidée à présent.

 

Le Musée est abrité dans un pavillon de la partie historique de l'hôpital.

 





















Juste à droite en rentrant... rien n'a véritablement changé.

 






























La statue tutélaire du bon Saint Louis vous bénit à l'entrée, pour vous donner du courage sans doute.
Pour les amateurs, sachez que les bouquins dans la vitrine sont du XVIIème-XVIIIème (y'a du in-quarto cinq nerfs, doré sur tranche, je vous dis que ça).
Beaucoup sont des pièces uniques, même pas scannées faute de thunes, la honte...


































La galerie de portraits de tous les "mandarins" de l'hôpital, la moitié d'entre-eux ont des rues à leur nom.



Vue générale prise du balcon.
Il y a autant de pièces exposées dans les travées situés derrière les vitrines visibles.
Quatre mille pièces on vous dit.

Une miscellanée de clichés maintenant.


Que les éventuels toubibs qui me lisent me pardonnent, mais pas eu le temps de noter les pathologies relatives aux images, j'ai shooté ce que j'ai pu et je restitue de mémoire.

D'ailleurs, je me demande si vous seriez vous-mêmes en mesure de faire le diagnostic, m'étonnerait que vous croisiez pareil cas en consult' aujourd'hui.

Tu t'appelles Gregory House ?

Bon, j'ai rien dit alors.


On y va ?




Le seul cas de tératologie répertorié.

Le Musée de l'Homme en avait des "gratinés", mais depuis le transfert des collections ethnographiques vers Branly, nul ne sait ce que les bocaux sont devenus.

J'ai lu qu'il manquait 20 000 pièces à l'inventaire du Mobilier National ("emprunts" de ministres ou diplomates en partance pour la plupart des cas), alors pour quelques malheureux bocaux.

Pour les amateurs, de tératologie je parle, je conseille la galerie d'anatomie comparée au Jardin des plantes, y'a du "lourd" là-bas.

On revient au sujet.




Scorbut



Psoriasis



Syphilis (la galerie consacrée à cette pathologie est de loin, la plus vaste)



Syphilis toujours, les chancres.



Syphilis encore.



 Pathologies génitales



Lupus (?)



Épitheliome


Syphilis secondaire (merci à  Vincent, un lecteur averti qui m'a donné l'info)


Pour ceux ou celles qui désirent compléter la visite, le site de la bibliothèque inter-universitaire de médecine et d'odontologie a entrepris de numériser les pièces les plus représentatives du musée.
Il y a, à ce jour, un millier de clichés d'excellente qualité en ligne.
Un travail de romain, les pièces sont sorties une à une des vitrines...

La collection complète est ici : http://web2.bium.univ-paris5.fr/img/index.las?orig=stlo

Un jour je vous parlerai des écorchés de Fragonard, le frangin du peintre avait un drôle de talent dans son domaine, vous savez ...


Bande son : Chick Corea en solo (aucun rapport avec l'article, mais j'aime, point)

Publié dans De par le vaste monde

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V
<br /> <br /> La dernière photo de votre présentation sur le musée des moulages d l'Hopital Siant-Louis représente une "syphilis secondaire".<br /> <br /> <br />  En passant , je n'arrive plus à aller sur la page http://www.bium.univ-paris5.fr/sfhd/musee qui présentait des séries de photos des moulages. L'ont-ils retirée ? Pourquoi ? Peut-être<br /> ont-ils eu peur d'un engouement de voyeurisme ?<br /> <br /> <br /> <br />
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